Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/balzac.htm
Honoré (de) Balzac est né à Tours le 20 mai 1799.
Ecrivain, romancier, critique littéraire, journaliste, il écrit plus de qutre-vingt dix romans et nouvelles entre 1829 et 1855 qui composeront le titre de la Comédie humaine.
Le 14 mars 1850, six mois avant sa mort, Balzac qui a eu entre temps de nombreuses maitresses, épouse à Berdytchiv (Ukraine), Ewelina HANSKA, une comtesse Polonaise avec laquelle il entretenait depuis plus de 17 ans une longue et abondante correspondance.
Une fois mariés les « jeunes époux » décident de rentrer à Paris et quittent Kiev le 25 avril; mais, malade du coeur, fatigué par les efforts qu’il s’est imposé au cours de sa vie et par ce long voyage (les époux arrivent à Paris le 21 mai), Balzac souffre d’un oedème généralisé et les médecins appelés à son chevet ne peuvent éviter une péritonite suivie d’une gangrène. Il meurt le 18 août 1850 à 23h30.
Leur amour d’abord épistolaire est résumé ainsi par Gonzague Saint Bris : « Dix-huit ans d’amour, seize ans d’attente, deux ans de bonheur et six mois de mariage« .
Lors des funérailles, le 21 août, au cimetière du Père-Lachaise (division 48), la foule était imposante et comptait notamment de nombreux ouvriers typographes. Alexandre Dumas et le ministre de l’Intérieur étaient auprès du cercueil, avec Victor Hugo, qui prononça l’oraison funèbre.
Madame Balzac règle ensuite la succession de son époux, puis reste à Paris, où elle s’est liée d’amitié avec le peintre Jean Gigoux. Ce dernier fait d’elle un portrait au pastel exposé au Salon de 1852. S’ensuit une liaison quasi maritale entre elle et le peintre, qui va durer jusqu’à sa mort, le 10 avril 1882. .
En 1907, Octave Mirbeau inclut dans son récit plusieurs chapitres sur Balzac, intitulés respectivement : « avec Balzac« , « La femme de Balzac » et « la mort de Balzac« . Dans ce dernier chapitre, il rapporte des confidences que le peintre Jean Gigoux lui aurait faites dans son atelier, selon lesquelles, pendant que Balzac agonisait, madame Hańska recevait son amant dans la chambre voisine.
C’est en mars1838, huit ans après avoir écrit La Vendetta que Balzac se rend en Corse, « ;cette île française qui se chauffe au soleil d’Italie, où tout bout comme dans une fournaise et où l’on se tue les uns les autres de père en fils« . Il y restera 12 jours avant de continuer son voyage vers la Sardaigne où il a l’intention d’y exploiter des mines d’argent abandonnées.
Il visite Bastia, puis se rend à Ajaccio qu’il voit comme « une même maison« . Il visite la demeure de Napoléon qu’il qualifie de « pauvre baraque » et rencontre Pozzo di Borgo qui le reçoit dans son hôtel particulier de la rue droite (aujourd’hui rue Bonaparte). Balzac est séduit par le personnage cultivé et l’homme politique mais il est aussi particulièrement impressionné le train de vie exceptionnel de ce dernier : une nourrice, une servante, une cuisinière, trois domestiques et un cocher habitent en permanence la magnifique demeure.
Dans une correspondance adressée à Madame Ewelina HANSKA, Balzac écrira d’Ajaccio le 20 mars 1838 :
Chère comtesse,
Je n’ai pas eu un moment à moi pour vous écrire de Paris, à mon retour du Berry. Cette date vous dira que je suis à vingt heures do la Sardaigne, où je vais faire mon expédition ; j’attends une occasion pour y passer, et, à mon arrivée, il faudra faire une quarantaine de cinq jours, car on n’en démord pas en Italie, on croit à la contagion et au choléra; il a éclaté à Marseille il y a six mois, et ils continuent leurs inutiles précautions […]
J’ai beaucoup souffert, surtout en mer; mais me voici dans la ville natale de Napoléon, me donnant à tous les diables d’être obligé d’attendre la solution de mon problème à vingt heures de distance du problème. Il ne faut pas songer à aller par la Corse au détroit qui la sépare de la Sardaigne, car la route de terre est longue, dangereuse et dispendieuse en Corse et en Sardaigne.
Ajaccio est un séjour insupportable; je n’y connais personne, et il n’y a d’ailleurs personne; la civilisation est là aussi primitive qu’au Groenland; j’y suis comme échoué sur un banc do granit, allant voir la mer, revenant dîner déjeuner, revoir la mer, me coucher et recommencer, n’osant pas me mettre à travailler, car à tout moment je puis partir, et cette situation est l’antipode do mon caractère, qui est tout résolution, tout activité.
Je suis allé voir la maison où est né Napoléon, et c’est une pauvre baraque. D’ailleurs, j’y ai rectifié plusieurs erreurs ; son père était un propriétaire assez riche, et non un huissier, comme le disent plusieurs biographies menteuses. Puis, quand il est arrivé à Ajaccio à son retour d’Egypte, au lieu d’avoir été reçu avec ces acclamations dont parlent ses historiens et d’y avoir obtenu un triomphe général, sa tête a été mise à prix. On m’a montré la petite plage où il a débarqué. Il a dû la vie au courage et au dévouement d’un paysan qui l’a emmené dans les montagnes et l’a caché dans une retraite inaccessible. Celui qui m’a raconté ces détails est le neveu du maire qui avait mis Napoléon au ban et soulevé la population contre lui […]
Puis le 27 mars.
Je ne sais d’où je vous enverrai cette lettre; elle pourrait se perdre ou ne vous arriver qu’après do longs retards dont je veux vous épargner les inquiétudes […]
Une fois que j’aurai quitté la Corse, je n’aurai sans doute ni le temps ni la facilité d’écrire, et je vous l’enverrai d’où je pourrai, elle sera toute prête […]
La Corse est un des plus magnifiques pays du monde : il y a là des montagnes comme celles de la Suisse; mais il est vrai qu’on n’y trouve pas ses beaux lacs. La France ne tire pas, ne sait pas ou ne veut pas tirer parti de cette belle contrée. Elle est grande comme plusieurs de nos départements, et ne produit pas ce qu’un seul d’eux rapporte; elle devrait avoir au moins cinq millions d’habitants, elle en a trois cent mille à peine. Cependant nous commençons à y faire des routes et à y exploiter les forêts, qui recèlent d’immenses richesses ; comme le sol est tout à fait ignoré, il peut y avoir les plus belles mines du monde en métaux, marbre et charbon, etc.; par malheur, le pays, reste non seulement inexploré, mais il n’est pas même étudié ni connu, à cause des bandits et de l’état sauvage dans lequel on le laisse s’abrutir […]
Au milieu de mes douleurs maritimes et de la nuit sur le bateau, je me suis rappelé l’indiscrétion que j’avais commise en vous chargeant de me faire venir un houka de Moscou ou d’Odessa; dans ma rage passionnée du latakieh que j’ai fumé chez George Sand et que Lamartine avait rapporté, j’ai été spasmodiquement si malheureux de cela, que j’en ris en me souvenant de ma maladie. Je suis bien désolé de no pas avoir trouvé à Paris un de ces houkas ; il me ferait passer le temps ici, et dissiperait l’ennui qui m’y atteint pour la première fois de ma vie, car voici la première fois quo je sais ce qu’est un désert rempli d’inconnus quasi sauvages.
Ce matin, j’ai appris qu’il y avait ici une bibliothèque, et demain, de dix heures à trois, je pourrai y lire; quoi? Voilà l’inquiétant. Il n’y a ici ni cabinet de lecture, ni théâtre, ni société, ni journaux, ni aucune des impuretés qui annoncent la civilisation; les femmes n’aiment pas les étrangers, les hommes se promènent toute la journée en fumant; c’est une paresse générale, véritablement incroyable pour ceux qui ne l’ont pas contemplée comme moi. 11 y a ici huit mille âmes, beaucoup de misère, une ignorance complète des choses actuelles les plus simples; j’y jouis d’un incognito absolu ; on ne sait pas ce que c’est que la littérature ni la vie sociale; les hommes ne quittent jamais leur veste ronde de velours; il règne la plus grande simplicité d’habillement ; tout a un caractère essentiellement primitif. En arrivant, je me suis mis de manière à paraître pauvre, et, au milieu de ces vestes râpées, j’ai l’air d’un riche. Il y a ici un bataillon français, et il faut voir ces pauvres officiers battant le pavé du matin au soir, d’un air piteux, n’ayant rien de mieux à faire. Dès ce soir, je me mets à croquer des scènes et à terminer mes plans et projets; il faut travailler d’ennui et de rage. Comme on doit aimer sur ce rocher-là! Aussi y a-t-il des enfants grouillants dans tous les coins, comme les moucherons les soirs d’été.
Adieu pour aujourd’hui; je ne me suis arrêté que dix-huit heures à Marseille et dix heures à Toulon, je n’ai pu vous écrire que d’ici.
Puis encore dans son roman les petits bourgeois : « Chez les Corses, gens sujets aux emportements, aux irascibilités les plus dangereuses, se rencontrent souvent des natures blondes d’une apparente tranquillité.
Leur constitution mériterait un soigneux examen de la part de la science médicale et de la physiologie philosophique.
Il se met en mouvement chez eux une espèce de bile, d’humeur amère, qui leur porte à la tète, les rend capables d’actions féroces, faites à froid, en apparence.
Résultat d’un enivrement intérieur, cette sorte de violence sourde est inconciliable avec leur enveloppe quasi lymphatique, avec la tranquillité de leur regard… »